Onze associations publient un rapport pour contrer les arguments du lobby des pesticides et appeler l’Union européenne à suspendre l’exportation des pesticides interdits par l’UE. Selon elles, une telle décision ne menacerait qu’une centaine d’emplois.
Un peu plus d’un an après une affaire de chantage à l’emploi mensonger au Parlement, onze associations contrent les arguments du lobby des pesticides. Dans un rapport commandé au bureau d’études Le Basic et publié le 18 avril, elles démontrent qu’un éventuel arrêt de l’exportation des pesticides interdits dans l’Union européenne n’aurait qu’un impact négatif minime sur l’économie. En revanche, l’impact positif sur les pays tiers serait, lui, considérable. L’UE reste à ce jour le premier exportateur mondial de pesticides. Par conséquent, des règles plus strictes en matière d’exportation de pesticides auront des effets positifs sur la pollution chimique au niveau mondial.
Dans leur rapport, les ONG françaises, belges, allemandes, américaines, autrichiennes et suisses ont examiné et analysé les chiffres d’exportation de produits phytosanitaires de sept pays européens (dont la France) durant l’année 2022. Elles estiment ainsi qu’au moins 714 000 tonnes de pesticides agricoles, d’une valeur de 6,6 milliards d’euros, ont été exportés depuis l’Europe, dont plus de 81 000 tonnes concernent des pesticides dont les produits ou les substances actives ont été interdits au sein de l’UE. Au total, les associations avancent que 15% de la consommation annuelle mondiale de pesticides interdits dans l’UE provient de l’UE elle-même.
Ce marché spécifique n’a pourtant pas une valeur économique majeure pour l’exportation européenne des pesticides au sens large. Dans les sept pays observés, la vente à l’étranger de produits interdits représente 5% du marché de l’exportation de pesticides agricoles et ne concerne que 133 emplois en 2018. En extrapolant avec les données pour 2022, ce nombre serait passé à 173. En somme, à l’échelle européenne, une interdiction totale de l’exportation depuis l’UE de pesticides interdits en UE n’entraînerait donc la perte que de 173 emplois. Soit, bien moins que les 2 700 emplois qu’avançait Phyteis (ex-Union des industries de la protection des plantes) aux parlementaires français lors de l’élaboration de la loi Egalim en 2018. Chiffre qu’une enquête du média normand, Le Poulpe, avait révélé comme étant mensonger en janvier 2023 et qui avait conduit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) à lancer une enquête et les deux chambres du Parlement à mettre en demeure le lobby. Et dans l’hypothèse d’une « interdiction partielle » sur le modèle français introduit par cette même loi (laquelle interdit l’exportation de produits dont les substances ont été interdites par l’UE, mais pas tous les produits), le chiffre descendrait même à 25 emplois perdus.
Les associations dénoncent surtout l’existence d’un tel marché en Europe, tant il participe à dégrader la santé des pays tiers importateurs, à accentuer la concurrence déloyale pour les agriculteurs européens et à renforcer la probabilité d’importer par effet boomerang des produits contenant des résidus des pesticides en question sur le marché européen. Et elles regrettent aujourd’hui que ce sujet, initialement porté par la Commissaire européenne, Ursula von der Lyen, en début de mandature puis soumis à une concertation publique en 2023, ait été abandonné sous la pression des lobbys.
En fin de compte, suspendre l’exportation des pesticides interdits par l’UE semble être une décision bénéfique pour l’environnement et la santé publique, avec un impact économique minime. Les chiffres et analyses des associations mettent en lumière l’importance de cette mesure pour lutter contre la pollution chimique mondiale et promouvoir une agriculture plus durable.