Alain Juppé, membre du Conseil constitutionnel et ancien Premier ministre, revient sur le développement du droit constitutionnel de l’environnement en France. Il explique les grandes étapes de cette construction et comment le Conseil constitutionnel contrôle les lois pour protéger l’environnement.
La Charte de l’environnement de 2004, intégrée dans la Constitution en 2005, a été une étape clé. Le Conseil constitutionnel a rapidement reconnu sa valeur constitutionnelle, établissant ainsi une norme de référence pour son travail.
Au fil des ans, l’intensité du contrôle du Conseil constitutionnel s’est accrue. À présent, le Conseil exerce un contrôle de pleine proportionnalité, mettant en balance une atteinte à l’environnement avec une exigence constitutionnelle justificative. Par exemple, dans une décision de 2022 sur l’installation de terminaux méthaniers, le Conseil a jugé que l’atteinte à l’environnement était justifiée par l’objectif d’intérêt général de l’approvisionnement énergétique.
Le Conseil constitutionnel a également donné une portée universelle à l’objectif de protection de l’environnement, considérant que la protection ne se limite pas aux frontières nationales. En outre, une décision récente de 2023 a souligné l’importance de ne pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.
Concernant les évolutions à venir, Alain Juppé indique qu’il ne s’autosaisissent jamais, mais qu’il pourrait y avoir de nouvelles saisines à l’avenir. Par exemple, un débat sur la reconnaissance d’un principe de non-régression en droit de l’environnement est en cours.
En ce qui concerne le risque de régressions graves du droit de l’environnement, Alain Juppé souligne que le Conseil constitutionnel serait prêt à censurer une loi destructrice de l’environnement, mais il reconnaît que des réformes constitutionnelles pourraient limiter cette capacité de contrôle.
Enfin, Alain Juppé aborde la question des référendums pour modifier la Constitution, soulignant la différence entre l’article 89 (révision constitutionnelle) et l’article 11 (référendum législatif). Il met en garde contre une possible utilisation de l’article 11 pour modifier la Charte de l’environnement.
En conclusion, Alain Juppé souligne l’importance du dialogue des juges et de la jurisprudence dans la protection de l’environnement, tout en reconnaissant les défis à venir en matière d’équilibre entre court terme et moyen-long terme dans les politiques environnementales.