et directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Le marché européen des quotas carbone est le principal instrument de la stratégie européenne d’atténuation du changement climatique. Il s’agit d’un mécanisme de rationnement avec flexibilité qui impose aux industriels soumis au système un plafond global d’émission à ne pas dépasser. Si ce plafond est contraignant, il crée de la rareté sur le marché ce qui fait monter le prix du quota. Les acteurs du système sont alors incités à réduire leurs émissions.
Durant la décennie 2010, le dispositif n’a pas été contraignant pour une raison de fond. L’objectif climatique de l’Union européenne – une baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020 – n’était pas contraignant. La meilleure preuve : l’objectif a été atteint dès 2013.
La donne a totalement changé en décembre 2021 quand les chefs d’État européens ont relevé l’objectif de réduction d’émission à 55 % à l’horizon 2030, contre 40 % antérieurement. L’engagement a été déposé auprès des Nations unies au titre de la contribution de l’Union européenne à la réalisation de l’accord de Paris. Il est donc inscrit dans le marbre. Le marché n’a pas été long à réagir. Le prix du quota est remonté en quelques mois au-dessus de 80 €/t.
Cependant, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, les prix de l’énergie se sont envolés. Celui du quota de CO2 sur le marché européen du carbone a perdu un bon tiers de sa valeur. Mais un an après, le prix du quota se porte bien. Depuis le début de l’année 2023, il a gagné plus de 15 % et le 27 février, le prix du contrat à terme à échéance d’un an a atteint la barre symbolique de 100 €/t.
Cette remontée du prix du quota alourdit le coût de production de l’acier dans des hauts fourneaux où le charbon est utilisé à la fois comme combustible et comme agent réducteur du minerai de fer. Dès que le prix du quota de CO2 a dépassé 80 euros, l’industriel a sorti de ses cartons des projets d’investissement pour reconvertir ces deux complexes industriels vers le bas carbone.
La détente du prix du charbon a été forte et rapide, car l’industrie avait constitué des stocks de précaution dans le nord de l’Europe qui n’ont pas été utilisés. Avec le système d’échange de quotas, l’Union européenne va largement échapper à cet enchaînement pervers. La baisse du prix du charbon est en effet contrariée par le renchérissement des quotas de CO2. Le système d’échange des quotas agit ainsi comme une arme anticharbon.
Ainsi, le marché européen des quotas carbone est un mécanisme de rationnement avec flexibilité qui impose aux industriels soumis au système un plafond global d’émission à ne pas dépasser. Avec le système d’échange de quotas, l’Union européenne va largement échapper à l’enchaînement pervers entre baisse du prix du charbon et hausse des émissions de gaz à effet de serre. La remontée du prix du quota est donc une arme anticharbon qui permet de réaliser l’objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre pour 2030.
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