Le projet de création d’un second marché du carbone (ETS2) pour réduire les émissions du chauffage des bâtiments et des transports routiers a été initié par la Commission européenne le 14 juillet 2021. L’instrument vise à influencer le comportement des entreprises et des ménages en les incitant à acheter une voiture électrique, prendre les transports en commun, rénover leur logement, etc. Les fournisseurs de carburants, de gaz et de fioul de chauffage doivent acheter des quotas à polluer pour couvrir leurs émissions.
Le 19 décembre 2022, les délicates tractations ont finalement abouti sur un compromis qui satisfait tout le monde sans être franchement facile à lire. L’ETS2 concernera bien les ménages dès son entrée en vigueur en 2027, mais les recettes de l’ETS2 viendront en partie abonder un nouveau Fonds social pour le climat doté jusqu’en 2032 de 65 milliards d’euros, pour financer tant des mesures de compensation pour les ménages vulnérables et les microentreprises que des investissements à long terme. Les Européens ont opté pour un plafonnement du prix de la tonne de carbone à 45 euros jusqu’en 2030, mais après 2030, le prix du CO2 est voué à augmenter via une réduction du nombre de quotas disponibles.
En juin 2022, une tribune signée par une trentaine d’experts majoritairement économistes prenait la défense de ETS2. Ils voient en l’ETS2 une assurance que les réductions d’émissions seront bel et bien effectuées, plus qu’une solution idéale. Cependant, Camille Defard, cheffe du Centre Energie de l’Institut Jacques-Delors, considère que le pari de jouer sur les craintes de phénomènes similaires aux gilets jaunes chez les États membres pour forcer ces derniers à agir par d’autres biais que la tarification du carbone est très risqué. Elle ajoute que les politiques et les décisions d’investissement nécessaires pour les alternatives abordables sont largement du ressort de la puissance publique.
En matière de chauffage, l’ETS2 comporte un vrai angle mort : ce sont les locataires qui paient les factures et qui vont donc être confrontés au prix du carbone, mais ce sont les propriétaires qui doivent entreprendre les rénovations énergétiques. Les recettes qu’elle génère peuvent être utilisées pour réparer les dégâts, ou rendre la mesure indolore financièrement à ceux qui sont frappés injustement, selon les mots de Mireille Chiroleu-Assouline. L’acceptabilité sociale de l’ETS2 dépendra donc en bonne partie de l’efficacité du nouveau Fonds social pour le climat.
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