Il y a cinq ans, une hausse de la taxe sur les carburants provoquait l’émergence des Gilets jaunes et embrasait la France pour de longues semaines. La mise en œuvre d’une taxe carbone à l’échelle européenne peut-elle relancer un mouvement du même type ? Adopté le 18 avril dernier par le Parlement européen, le texte prévoit l’instauration de quotas d’émission à partir de 2027 sur les carburants et le chauffage des logements des particuliers. Ce dispositif est directement inspiré du marché carbone appliqué depuis 2005 aux grosses industries européennes.
Pour chaque tonne de CO2 émise, les entreprises consommatrices de combustibles fossiles doivent s’acquitter d’une taxe. Auparavant à 15 euros la tonne, celle-ci se rapproche désormais des 100 euros. Le système fonctionne, selon la Commission européenne qui vante une réduction de 43 % des émissions de CO2 des entreprises concernées depuis son instauration.
En France, les particuliers paient déjà une « contribution carbone », fixée à 45 euros la tonne. C’est cette taxe qu’Emmanuel Macron a voulu augmenter en 2018. Lorsque les Gilets jaunes sont descendus dans la rue, le projet a été repoussé. “Nous l’avons expérimenté en France, ça nous a donné les Gilets jaunes”, alertait il y a deux ans, Pascal Canfin, président de la commission environnement du Parlement européen. Depuis, cet ancien dirigeant écologiste a changé d’avis, comme il l’explique mercredi au Canard enchaîné : “J’ai réussi à imposer le plafonnement (en Europe) de la taxe carbone à 45 euros la tonne [jusqu’en 2030, NDLR]. Il n’y aura donc en France, aucune augmentation de prix puisque nous payons déjà 45 euros de contribution carbone”.
Un argument qui ne convainc pas tout le monde. Au-delà de 2030, “ce plafond, n’a pas vocation à être maintenu”, précise Stéphane Zuber, chercheur du CNRS au centre d’économie de la Sorbonne, spécialiste de politique climatique, auprès de Libération. “C’est une mesure transitoire, ajoute cet expert. On peut s’attendre à une augmentation de cette taxe qui ne serait pas illogique : si on veut décarbonater, il faut des prix de plus en plus dissuasifs.”
Outre l’augmentation des prix, le manque de médiatisation sur le sujet pourrait faire renaître un mouvement de contestation en France, selon Théo Verdier, codirecteur de l’Observatoire Europe de la Fondation Jean Jaurès. “Comme sur de nombreux sujets européens, les Français apprendront et débattront d’une politique publique européenne en ayant l’impression qu’elle est déjà complètement verrouillée”, écrit-il le 26 avril sur le site de la fondation Jean Jaurès.
Pourtant, la France a contribué à l’adoption de cette directive via ses représentants. Inquiets d’un accroissement des inégalités, La France insoumise (LFI), Europe Écologie-Les Verts et le Rassemblement national avaient voté contre. Manon Aubry, la cheffe des eurodéputés LFI, a résumé sa position mercredi dans Le Canard enchaîné : pas question que “les plus pauvres paient la transition écologique, alors qu’ils sont les moins responsables de la pollution”.
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